Au début des années 1850, menacés par l'interdiction de la traite et la montée de l'abolitionnisme, les exploitants espagnols du sucre sur l'île de Cuba font déplacer plus de 1500 travailleurs pauvres de Galice, dans des conditions inhumaines. Des centaines de morts et de rebelles plus tard, il ne reste qu'une maigre correspondance qui a par miracle survécue à la traversée de l'océan. Ce sont ces appels à l'aide que Bibiana Candia a retrouvés aux Archives du Parlement espagnol. Saisie par cette histoire méconnue, elle en écrit un roman incandescent, dont il faut souligner la remarquable traduction par Claude Bleton et Emilie Fernandez.
Ce texte poétique, organique, mené par un rythme d'enfer nous plonge dans la vie de ces jeunes hommes à qui l'on a promis la richesse loin de leur aride terre galicienne. Trois étapes dans ce voyage terrible : il faut tout d'abord se rendre à pied à Saint-Jacques, dans la poussière, sans vraiment dormir, après avoir dit adieu à une vie et une famille. S'ensuit la traversée en bateau, dont ils ne verront que l'intérieur de la cale, où seul l'espoir de l'arrivée peut aider à surmonter les pestilences et maladies. A l'arrivée, c'est la découverte du soleil, des bananes, d'une autre musique, mais aussi celle de l'esclavage et de la captivité. En dépit de la présence d'un prêtre pendant tout le voyage, Dieu n'est nulle part.
Ce n'est pas un roman d'aventure, ni un roman maritime. Des chapitres courts qui se suivent tambour battant, une langue très visuelle toujours entre ombre et lumière, une atmosphère irrésistiblement poisseuse et des personnages infiniment humains : Azucre est un roman d'immersion d'exception.